Jeudi 20 Fevrier 2025

En Europe, le retour en grâce d'un procédé financier lié à la crise des "subprime"

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Elle a donné des sueurs froides à plus d'un investisseur: la titrisation, procédé financier pointé du doigt dans le déclenchement de la crise financière de 2008, va-t-elle faire son grand retour en Europe?
 

La Commission européenne a déclaré en février vouloir "réviser" les règles encadrant ces montages complexes, afin de débloquer des financements privés pour investir dans l'économie du continent.

La titrisation est pourtant accusée d'avoir disséminé sur les marchés à la fin des années 2000 des crédits immobiliers risqués dits "subprime", accordés à des ménages peu solvables, ayant mené à la pire crise financière depuis 1929.

Alléger les contraintes qui freinent son développement serait un "cadeau au lobby bancaire, sans réel bénéfice économique", prévient Jezabel Couppey-Soubeyran, maîtresse de conférences à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, interrogée par l'AFP.

La titrisation est une pratique visant à regrouper des crédits bancaires et les transformer en actifs destinés à être vendus en "tranches" à des investisseurs sur les marchés.

Objectif: sortir ces créances du bilan des établissements bancaires, leur permettant d'accorder de nouveaux crédits.... et de se dégager de toute responsabilité en cas de défaut. Pour les investisseurs, ces actifs, plus risqués en général, peuvent être très rémunérateurs.

Mais "faire porter le risque d'un crédit par des acteurs qui ne peuvent pas forcément le gérer peut être problématique", explique à l'AFP Christian Bito, professeur de finance à l'Essec.

Avant la crise, ces produits étaient détenus par des institutions financières du monde entier. Leur discrédit en 2007 a provoqué des faillites en série, dont celle de Lehman Brothers en 2008. Ont suivi une crise bancaire et financière aboutissant, plusieurs années après, à la crise de la dette en zone euro.

Tirant les leçons de cet épisode, l'Union européenne a imposé des obligations de transparence, de vérifications et de conservation d'une partie du crédit par la banque, provoquant un net repli de la pratique.

À rebours, des responsables européens multiplient désormais les appels à alléger ce corpus réglementaire. Le but affiché: dégager le capital privé nécessaire aux investissements dans la transition énergétique, la compétitivité, le numérique ou la défense.

Dans un rapport, l'ancien président de la BCE Mario Draghi a estimé l'an dernier que la relance de la titrisation permettrait aux banques de "débloquer des capacités de prêt supplémentaires", pour trouver les "800 milliards d'euros par an" dont a besoin l'UE.

Les régulateurs pèsent aussi de tout leur poids pour changer les règles: "Nous devons arrêter de mener les batailles d'hier", a lancé récemment Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Ces prises de position inquiètent économistes et ONG.

"Le fait qu'une banque puisse libérer du capital ne signifie pas qu'elle va l'utiliser forcément pour émettre de nouveaux prêts", prévient Christian Stiefmüller, chercheur pour l'organisation Finance Watch, interrogé par l'AFP.

Pour mieux cibler les investissements, l'ancien président du Conseil italien Enrico Letta a certes proposé dans un rapport commandé par le Conseil européen un mécanisme de "titrisation écologique". Mais sans en préciser les modalités.





"Il n'est ni raisonnable, ni moderne, d'autoriser à nouveau ce type d'actifs, qui ont démontré leur opacité et leur complexité", tranche Christian Bito.

Le secteur bancaire promet de limiter la titrisation aux créances les plus solides: "le transfert des prêts n'est pas risqué si ces derniers sont sûrs", a avancé la Fédération bancaire française (FBF).

"Le stigma hérité de la crise financière est infondé. En 2007, ce n'était pas le mécanisme de titrisation qui posait problème mais les prêts +subprime+", abonde Stéphane Giordano président de l'Association française des marchés financiers (Amafi), interrogé par l'AFP.

Pour ses défenseurs, une réforme serait nécessaire pour que l'UE reste compétitive face aux autres places financières, notamment américaines, beaucoup moins régulées.

"La réponse réglementaire de l'Europe est (...) disproportionnée au regard des risques", a estimé dans un rapport l'an dernier le très écouté ex-président de la Banque de France, Christian Noyer.

La titrisation totalise 200 milliards d'euros par an en Europe, contre 3.000 milliards de l'autre côté de l'Atlantique.

Mais "la réintroduction de la pratique pourrait nourrir une bulle financière et accroître le risque d'une nouvelle crise", met en garde Jezabel Couppey-Soubeyran.

Avec AFP.

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