LONDRES (Reuters) - Les grandes banques centrales doivent faire en sorte que leurs efforts pour relever progressivement leurs taux d'intérêt s'avèrent suffisamment efficaces pour calmer certains marchés financiers déjà "en effervescence", déclare la Banque des règlements internationaux (BRI) dans son dernier rapport.
La BRI, organe international de coordination des grandes banques centrales, adresse cette mise en garde alors que les investisseurs continuent, selon elle, de se prélasser dans "la lumière et la chaleur" d'une accélération de la croissance mondiale, d'une inflation basse et de marchés d'actions en hausse.
Les niveaux record d'endettement illustrent cependant les fragilités du système financier et l'ampleur du renchérissement des actifs cette année semble inciter la BRI à une prudence accrue.
"Les niveaux de dette demeurent élevés, tant en monnaie locale qu’en devises. Il en va de même pour les valorisations élevées, soutenues par la faiblesse des rendements des obligations d'État - à l’aune desquels se mesurent les prix de tous les actifs", déclare Claudio Borio, chef du Département monétaire et économique de la BRI.
"De surcroît, plus la prise de risque se prolonge, plus les expositions sous-jacentes des bilans pourraient augmenter. Au calme à court terme pourraient succéder des turbulences à long terme", ajoute-t-il.
Alors que la Réserve fédérale a entrepris de réduire la taille de son bilan et que la Banque centrale européenne va réduire de moitié le montant mensuel de ses rachats d'actifs, les rendements de référence sur les marchés obligataires ne se redressent pas.
LE RETOUR DE "L'ÉNIGME" DE GREENSPAN?
L'amélioration des perspectives économiques mondiales, le maintien par le Japon d'une politique monétaire très accommodante et la prudence affichée par la Fed et la BCE en matière de resserrement monétaire peuvent expliquer ce phénomène, qui soulève cependant une "question plus profonde".
"Un resserrement monétaire peut-il être considéré comme efficace s'il est évident que les conditions financières s'assouplissent? Et si la réponse est 'non', que devraient faire les banques centrales?", s'interroge Claudio Borio.
L'inquiétude porte notamment sur le fait que la faiblesse persistante à la fois des rendements obligataires et de la volatilité sur les marchés, particulièrement aux Etats-Unis, rappelle "l'énigme" évoquée en 2005, avant la crise financière mondiale, par le président de la Fed à l'époque, Alan Greenspan, au sujet du marché obligataire.
Comme maintenant, les rendements restaient bas malgré un cycle de hausses de taux de la part de la Fed et ils ne s'étaient redressés que plus tard dans le cycle.
"À l'heure où progressivité et prévisibilité deviennent la norme, ces questions revêtiront probablement une importance croissante", prédit Claudio Borio.
C'est particulièrement le cas à la lumière de certains indicateurs montrant que les marchés d'actions sont "en effervescence"
"À ses niveaux récents, supérieurs à 30, le ratio cours sur bénéfices à long terme ajusté du cycle (CAPE) du marché d'actions américain dépasse de près de 25% sa moyenne depuis 1982", écrit la BRI.
Le ratio de dividende des entreprises américaines est aussi revenu à des sommets observés dans les années 1970 et ne devrait donc plus beaucoup augmenter. "Les valorisations élevées traduisent-elles un excès de confiance du marché?", demande la BRI.