Mardi 18 Avril 2023

Les combats s'intensifient au Soudan, près de 200 morts en trois jours

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Plus de 185 personnes ont été tuées au Soudan où la lutte pour le pouvoir des deux généraux aux commandes depuis le putsch de 2021 a gagné en intensité.

Dans le ciel de Khartoum, les avions de l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du pays depuis le putsch de 2021, tentent de venir à bout des tirs intenses des blindés des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, dit "Hemedti", son second pour le coup d'Etat devenu depuis samedi son ennemi juré.

Après que trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués au Darfour (ouest), les humanitaires dénoncent des pillages et l'ONU de "graves violations" contre son personnel. Lundi soir, l'Union européenne a annoncé que son ambassadeur avait été "agressé dans sa résidence" à Khartoum où les combats de rue et les bombardements sont incessants et n'épargnent aucun secteur.

A cause d'eux, plusieurs ONG et agences de l'ONU ont cessé d'opérer dans le pays où la faim touche plus d'un habitant sur trois.

Au moins deux hôpitaux de la capitale ont été évacués "alors que roquettes et balles criblaient leurs murs", ont annoncé des médecins qui disent n'avoir plus de poches de sang ni d'équipements pour soigner les blessés.

Médecins sans Frontières (MSF) raconte avoir accueilli lundi 136 blessés dans son dernier hôpital fonctionnel au Darfour-Nord. "La majorité sont des civils qui ont été pris sous les tirs, dont beaucoup d'enfants", rapporte l'ONG. "Onze sont morts" samedi et dimanche faute d'équipement et de personnel.

A Khartoum, depuis le déclenchement des combats samedi, les habitants se barricadent dans leurs maisons. Au-dessus d'eux, des colonnes d'épaisse fumée noire s'élèvent, une odeur de poudre pique les narines et chacun se demande quand l'électricité et l'eau courante reviendront.





A chaque nouvelle frappe aérienne ou tir d'artillerie, parents et enfants sursautent, racontent des familles qui n'ont jamais vu une telle violence dans la capitale d'un pays qui se lançait il y a quatre dans une transition qui se voulait démocratique.

Aujourd'hui, tous regardent, depuis leurs fenêtres, passer des blindés ou des miliciens à bord de véhicules civils dont ils ont retiré les plaques minéralogiques. En espérant qu'aucune balle perdue ou éclat d'obus ne vienne frapper leur immeuble.

Les rares épiceries ouvertes ont prévenu qu'elles ne tiendraient plus qu'un jour ou deux si aucun camion n'entre pour approvisionner la ville.

Plus de 185 personnes ont été tuées, selon l'ONU, et au moins 1.800 blessées. Les belligérants, eux, n'ont jamais communiqué sur leurs pertes.

L'ONU appelle les deux généraux de "cesser immédiatement les hostilités" car elles pourraient être "dévastatrices pour le pays et toute la région". Mais l'émissaire des Nations Unies au Soudan, Volker Perthes, s'est dit peu optimiste sur un retour rapide au dialogue alors qu'"il est difficile d'évaluer dans quel sens l'équilibre évolue".

Le conflit était latent depuis des semaines entre le général Burhane et le général Daglo, dont les ex-miliciens de la guerre du Darfour étaient devenus ces dernières années les supplétifs officiels de l'armée.

Lundi, les contacts diplomatiques ont semblé s'intensifier.

En fin de journée, l'Egypte, grand voisin influent, a annoncé avoir discuté de la situation avec l'Arabie saoudite, le Soudan du Sud et Djibouti, trois autres acteurs importants au Soudan, ainsi qu'avec Paris. Le Qatar de son côté s'est entretenu avec le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, censé se rendre au plus vite au Soudan, au-dessus duquel plus aucun avion ne vole.

Signe que le sujet préoccupe Le Caire, le président Abdel Fattah al-Sissi a convoqué lundi soir un rare Conseil de défense. Il a dit avoir plaidé auprès des deux camps pour "un retour à la table des négociations" et a dit travailler au "retour" de "formateurs" militaires égyptiens enlevés samedi sur une base aérienne du Nord par les FSR. Hemedti assure qu'ils sont "en sécurité".



Il était toujours impossible lundi de savoir quelle force contrôle quoi. Les FSR ont annoncé avoir pris l'aéroport et être entrés dans le palais présidentiel, ce que l'armée a nié.

L'armée assure tenir le QG de son état-major, l'un des principaux complexes du pouvoir à Khartoum.

Quant à la télévision d'Etat, après deux jours de combats à ses abords, elle diffuse désormais des images et des communiqués de l'armée qui assure avoir regagné du terrain en de nombreux endroits.



"C'est la première fois de l'histoire du Soudan depuis l'indépendance (en 1956) qu'il y a un tel niveau de violence dans le centre, à Khartoum", assure à l'AFP Kholood Khair, qui a fondé le centre de recherche Confluence Advisory à Khartoum.

Khartoum "a toujours été l'endroit le plus sûr du Soudan, pendant les guerres meurtrières contre des rebelles" lancées au Darfour et ailleurs dans les années 2000, poursuit-t-elle.

Mais depuis samedi, des médecins rapportent des coupures d'électricité dans des salles d'opération, racontent que des patients, parfois des enfants, et leurs proches "n'ont plus ni à boire ni à manger".

"Aujourd'hui, les combats se déroulent partout dans la ville, les FSR sont implantées partout et notamment dans des zones densément peuplées car les belligérants ont cru que la possibilité d'un bilan civil élevé allait dissuader l'autre camp: maintenant on sait que leur lutte de pouvoir à tout prix l'a emporté", résume Mme Khair.

 

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