Mercredi 09 Decembre 2015

Fatca : cette loi qui oblige nos établissements financiers à collaborer avec le Fisc américain

Analyse du Marché Boursier Marocain

La réglementation FATCA est entrée en vigueur le 1er juillet 2014. Les institutions financières du monde entier seront tenues de s’y conformer. Les banques marocaines ne font pas exception et sont déjà à pied d’œuvre. Une lourde charge de travail qui ne rapporte rien et qui coûte cher.

«Le groupe Société Générale a mobilisé ses métiers, entités et succursales à travers le monde entier en vue de se conformer à une loi américaine adoptée en 2010, connue sous le nom de FATCA, dont l’entrée en vigueur est prévue en 2014». Voilà ce qu’on peut lire sur le site de la Société Générale. Sur celui du Crédit Agricole on retrouve peu ou prou la même chose : «Le groupe Crédit Agricole SA a décidé de se mettre en conformité à la loi FATCA. Toutes les institutions financières appartenant au groupe se préparent pour respecter la réglementation lors de son entrée en vigueur».

Quelle est la raison de cette mobilisation des banques françaises, et donc de leurs filiales marocaines, qui semble tant les préoccuper ? La réponse tient en cinq lettres : FATCA. Soit le « Foreign account tax compliance act », dernier-né des instruments de la toute puissance américaine. Il s’agit d’une réglementation Etats-unienne de portée extraterritoriale, mise en place par l’IRS, l’administration fiscale américaine, et adoptée en 2010. Cette réglementation qui vise à lutter contre l’évasion fiscale des contribuables américains détenant des actifs financiers hors des Etats-Unis, est susceptible d’affecter tous les pays de la planète. Elle exige en effet des institutions financières étrangères (banques, société d’assurances vie, société de gestion, hedge funds, etc…), d’identifier dans leurs bases de données les clients ayant la qualité de contribuables américains, et de transmettre à l’IRS les informations relatives à ces comptes (valable pour les comptes de plus de 50.000 dollars). Mais ce qui fait la force de cette règlementation et qui la rend encore plus pernicieuse, ce sont les représailles en cas de non conformité des institutions financières étrangères. En effet, si celles-ci, pour une raison ou une autre, n’acceptent pas de collaborer au programme FATCA, elles se verront appliquer un prélèvement à la source de 30% sur tout revenu de source américaine et sur tout produit de vente brut de valeurs américaines par leurs dépositaires américains ! Bien plus grave, ces institutions dites « non participantes » pourraient à terme se voir refuser l’accès aux marchés de capitaux aux Etats-Unis et au dollar. En somme, une punition aux conséquences désastreuses.

Coûteuse conformité…

C’est dans ce contexte que plusieurs pays ont d’ores et déjà signé des accords intergouvernementaux (IGA) pour donner à leurs institutions financières un cadre légal pour se conformer à la règlementation FATCA. C’est le cas de la France, entre autres. Le Maroc n’a toujours pas signé d’accord, mais il y a fort à parier qu’il n’échappera pas à la règle. A-t-il vraiment le choix ? La réponse est évidemment non. Pour le moment aucune information ne filtre du côté du ministère des Finances.

Toujours est-il que selon nos informations, les banques marocaines filiales des banques françaises, sont déjà à pied d’œuvre pour mettre en place les solutions informatiques et organisationnelles afin de se conformer au FATCA. Plusieurs réunions regroupant les banques marocaines ont été organisées avec Bank-Al Maghrib à ce sujet. Il faut dire que la conformité à la règlementation FATCA n’est pas une sinécure, et occasionne une lourde charge de travail dont le coût est supporté par les banques. C’est ce que nous explique un consultant dans le secteur banque assurance : « la conformité FATCA est très consommatrice en ressources et ne rapporte rien ». « Les banques marocaines se sont lancées dans un vaste chantier en trois volets : un volet organisationnel, un volet SI, et un volet formation » poursuit-il. Le volet organisationnel est le plus exigeant puisqu’en créant de nouvelles tâches, la loi FATCA oblige les banques à mettre en place, notamment en agence, les outils et les process adéquats. «En gros, il s’agit de savoir qui fait quoi» selon notre consultant. Le volet SI, quant à lui, à pour but d’informatiser et de paramétrer la procédure de détection de ce que l’IRS appelle les «indices d’américanités» : nationalité US, résidents US, lieu de naissance US, détenteur de greencard, etc… Ce système d’alerte doit détecter ces indices d’américanité que ce soit pour les personnes physiques en agence ou les personnes morales en centres d’affaires. Une fois l’un de ces indices détecté, le compte est présumé être un « compte américain » et est sujet à divulgation. Enfin le volet formation découle directement des 2 premiers puisqu’il consiste à doter les ressources humaines des banques des compétences adaptées à ces nouvelles tâches.

Qui ne rapporte rien

D’ailleurs, les cabinets de conseils et les entreprises qui développent des solutions en management et en technologie ne s’y sont pas trompés, et se sont engouffrés dans la brèche. Il suffit de passer un court moment sur le net pour se rendre compte que les solutions FATCA pullulent. De belles affaires en perspectives.

Pour les banques marocaines en revanche, tout cela coûte très cher, et mobilise des ressources, des fonds propres, et du temps, pour pas grand chose finalement. Combien d’Américains détiennent des comptes de plus de 50.000 dollars au Maroc ? Très peu à coup sûr. Sans oublier les risques de réputation que ferait peser une erreur du système ou un reporting erroné. Certaines banques de petites tailles en Europe ont déjà fait part de leur volonté d’interrompre toute relation d’affaires avec des ressortissants américains plutôt que d’engager des coûts astronomiques. En effet, la seule alternative à FATCA pour une institution financière est de supprimer toute relation avec les Etats-Unis. Au Maroc, les banques ont fait le choix de la conformité. Etre dans le collimateur de l’IRS, et risquer de voir se tarir tout financement provenant du pays de l’Oncle Sam, serait suicidaire pour un pays comme le nôtre.

 

 

 

 

 

 

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