Jeudi 03 Juillet 2025

Finance participative : Ce qui freine la croissance du secteur, selon le Wali de Bank Al-Maghrib

marché financier marché boursier marocain actualités marchés financiers info finance

La finance participative au Maroc peine à dépasser 2% des actifs bancaires. Lors des Réunions annuelles 2025 du Conseil des services financiers islamiques, Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib, identifie les défis à relever pour consolider le secteur et relancer sa dynamique de croissance.

Sept ans après son lancement effectif au Maroc, la finance participative ne représente encore que 2% des actifs bancaires. Pourtant, elle évolue dans une architecture réglementaire claire, avec un cadre fiscal et juridique conçu pour sa montée en puissance, fruit d’une coordination entre Bank Al-Maghrib, le Conseil supérieur des oulémas, et l’ensemble des parties prenantes. Le Wali, Abdellatif Jouahri, insiste sur ce point : la mise en place d’un système centralisé de fatwas a consolidé la confiance des usagers en garantissant la conformité charaïque des produits.

Malgré les fondations posées, le secteur peine encore à décoller et fait face à quatre défis majeurs que le Wali a exposés.

1-La conformité charaïque

Le Maroc a opté pour une centralisation des avis religieux (fatwas) afin de protéger le secteur de la finance participative des risques de réputation et des divergences d’interprétation. Cette approche s’appuie sur le Conseil supérieur des oulémas, seule instance habilitée à émettre des fatwas d’intérêt général, permettant de garantir la conformité des produits financiers participatifs et des contrats standards. Cela constitue une condition essentielle pour renforcer la solidité du secteur et assurer l’uniformisation des pratiques.

2-La gestion de la liquidité

Le Wali a pointé une réalité : la finance participative souffre de la rareté des instruments liquides et de l'absence d’un marché secondaire actif. La faible interconnexion transfrontalière aggrave cette situation, limitant la gestion active de la liquidité par les banques participatives. Le développement de sukuk domestiques devient ainsi impératif pour offrir des instruments liquides compatibles avec les exigences charaïques.

3-Le financement durable

L’alliance de la finance verte et de la finance participative est une opportunité stratégique. Avec un déficit de financement des Objectifs de Développement Durable évalué à 2,5 trillions USD, le Wali estime que la finance participative, en phase avec les valeurs de préservation et de développement durable, peut contribuer à combler ce gap tout en affirmant son identité.

4-Les risques liés à la digitalisation

La numérisation progresse dans la finance participative (44% selon les derniers chiffres CSFI 2025), mais elle s’accompagne de risques nouveaux : cyberattaques, gestion des données, vulnérabilités technologiques. Le Wali plaide pour une surveillance renforcée et une gouvernance adaptée, sans freiner l’innovation mais en maîtrisant ses dérives potentielles.

 

Un contexte international instable, un secteur à renforcer

Le Maroc développe sa finance participative dans un environnement marqué par des tensions géopolitiques (Ukraine, Moyen-Orient) et des transformations numériques rapides. Ces instabilités globales influencent directement un secteur où la région MENA détient une part significative des actifs financiers islamiques mondiaux.

Pour le Wali, le renforcement de la résilience du secteur participatif passe par :le développement d’instruments de liquidité adaptés, l’intégration des exigences ESG dans la structuration des produits, le renforcement des capacités des superviseurs et acteurs, et l’adaptation continue aux standards internationaux tout en préservant les spécificités nationales.

Il s’agit de s’inscrire dans une logique « principle-based », où les normes s’adaptent aux contextes nationaux, en maintenant le cap sur la solidité du secteur et la confiance des usagers.

La finance participative au Maroc a franchi la première étape de son installation, mais elle reste à un stade de croissance fragile. Les propos du Wali rappellent que la prochaine étape sera celle de la consolidation, de l’innovation maîtrisée et du passage à l’échelle, condition indispensable pour qu’elle contribue réellement à l’inclusion financière, au développement durable et à la diversification du système financier.

 

 Une étude en cours pour lever le voile sur les freins au développement

Le Wali de Bank Al-Maghrib a annoncé le lancement d’une étude structurante pour identifier avec précision ce qui freine réellement le développement de la finance participative au Maroc. «Les prévisions que nous avons faites laissaient entrevoir une croissance bien supérieure à ce que nous constatons aujourd’hui», a-t-il reconnu, pointant l’écart entre les ambitions initiales et la réalité du terrain.

Cette étude, menée avec l’assistance technique de la Banque islamique de développement et le Conseil des services financiers islamiques (ISFB), explorera les principaux leviers à actionner pour débloquer le secteur. Elle portera notamment sur les difficultés rencontrées en matière de gestion de la liquidité, les coûts des produits participatifs, ainsi que l’adéquation de l’offre actuelle aux besoins du marché.

Le contexte rend ce diagnostic urgent. Aujourd’hui, le secteur affiche des encours de financements de 35 milliards de dirhams pour seulement 12 milliards de dirhams de ressources collectées. Parmi les défis identifiés figurent les contraintes liées à la collecte des dépôts et le besoin de diversification des ressources des banques participatives, alors que la gestion de la liquidité demeure un enjeu central pour leur stabilité et leur capacité à financer durablement l’économie.

Les conclusions de cette étude devront permettre d’adapter la feuille de route du secteur afin de le réaligner sur son potentiel, tout en répondant aux attentes qui avaient accompagné son lancement.

 

Articles qui pourraient vous intéresser

Mardi 01 Juillet 2025

Bank Al-Maghrib : La croissance de la masse monétaire s’accélère à 7,8% en mai

Mardi 24 Juin 2025

Bank Al-Maghrib revoit fortement à la hausse ses prévisions de croissance pour 2025

Mardi 24 Juin 2025

Politique monétaire: Bank-Al-Maghrib maintient son taux directeur inchangé à 2,25%

Lundi 23 Juin 2025

Conseil de BAM : A quoi faut-il s'attendre ?

S'inscrire à la Newsletter Boursenews

* indicates required