(AFP) - Bruxelles a ouvert mercredi un nouveau front contre un géant américain du numérique en annonçant une "enquête approfondie" sur Amazon, soupçonné d'enfreindre les règles européennes de concurrence en utilisant à son avantage les données issues des détaillants indépendants qui vendent sur son site.
"J'ai décidé d'examiner très attentivement les pratiques commerciales d'Amazon et son double rôle en tant que place de marché et détaillant, afin de vérifier si l'entreprise respecte les règles de concurrence de l'UE", a expliqué la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, dans un communiqué.
La Danoise, dont les services ont enquêté sur Apple, Facebook, Google et déjà Amazon dans le passé, a été critiquée par le président américain Donald Trump, qui l'accuse de détester les Etats-Unis, pour avoir à plusieurs reprises infligé des amendes aux entreprises américaines.
"Nous allons coopérer pleinement avec la Commission européenne et nous continuerons à travailler dur pour soutenir les entreprises de toutes tailles et les aider à se développer", a réagi Amazon dans un communiqué.
L'entreprise américaine vend directement des produits sur son site internet, mais met également à disposition de vendeurs indépendants une place de marché appelée "Marketplace", sur laquelle ils peuvent vendre aux consommateurs.
"En fournissant une place de marché aux vendeurs indépendants, Amazon collecte en permanence des informations sur les activités exercées sur sa plateforme", explique la Commission.
L'ouverture de cette "enquête approfondie" fait suite à une enquête préliminaire débutée il y a plusieurs mois, qui a laissé apparaître que le géant américain du commerce en ligne utilisait "des informations sensibles sous l'angle de la concurrence" sur "les vendeurs, leurs produits et leurs transactions".
"L'ouverture d'une procédure formelle d'examen ne préjuge pas de son issue", précise la Commission. Les sanctions infligées par Bruxelles dans ce type de cas peuvent atteindre jusqu'à 10% du chiffre d'affaires.
Les revenus d'Amazon ont progressé de 31% en 2018, à 232,9 milliards de dollars (207,7 milliards d'euros). Son fondateur, Jeff Bezos, est aujourd'hui l'homme le plus riche du monde avec une fortune estimée à 164,8 milliards de dollars (147 mds d'euros), selon des pointages réalisés par le magazine Forbes et l'agence Bloomberg.
"Toute la question tourne autour des données" recueillies grâce aux petits détaillants qu'Amazon héberge, avait expliqué Mme Vestager en septembre dernier, lorsqu'elle avait annoncé l'existence d'une enquête préliminaire "sur un éventuel abus de position dominante".
Amazon pourrait ensuite exploiter ces données pour "faire ses propres calculs", "voir ce que les gens veulent comme offre, et ce qui les fait acheter tel ou tel produit", avait-elle ajouté à l'époque.
"L'enjeu pour le monde numérique est important, car toute action de la Commission peut avoir un impact sur le +business model+ des géants du web, qui est fondé sur l'accumulation de données", a commenté Andrea Collart, de la société de conseil Avisa à Bruxelles.
Amazon est également sous le coup d'enquêtes des autorités de la concurrence allemandes, autrichiennes, luxembourgeoises et italiennes pour le même "double rôle" qui inquiète aujourd'hui Bruxelles.
"Nous sommes en contact et en coordination", a expliqué une porte-parole de la Commission. Et "nous sommes arrivés à la conclusion que ces enquêtes ne chevauchent pas la nôtre, puisqu'elles ne portent pas sur l'utilisation des données par Amazon."
L'office anti-cartel allemand a d'ailleurs mis fin mercredi à son enquête contre Amazon, qui s'est en échange engagé à modifier ses conditions d'utilisation.
Le géant américain avait déjà fait l'objet d'une enquête de la Commission, qui lui avait demandé en 2017 de rembourser au Luxembourg 250 millions d'euros d'avantages fiscaux indus.
Bruxelles a notamment infligé trois lourdes amendes au géant d'internet Google pour abus de position dominante sur son système d'exploitation pour smartphone Android (4,34 milliards d'euros), son comparateur de prix Google Shopping (2,42 milliards d'euros) et sa régie publicitaire AdSense (1,49 milliard d'euros).