Le recours croissant de l’État aux « financements innovants », via les OPCI (Organismes de Placement Collectif Immobilier), provoque une une crispation sur le marché des capitaux marocain en ce début de trimestre. Ces opérations, censées apporter des ressources immédiates au Trésor, déclenchent une série d’effets collatéraux qui se font aujourd’hui sentir sur les marchés boursier et obligataire.
Depuis septembre, les investisseurs institutionnels — principaux animateurs du marché des capitaux — retirent une partie de leurs placements des OPCVM pour les orienter vers les nouveaux OPCI mis sur le marché. Selon les gérants de fonds, ces retraits touchent tous types d’OPCVM, et principalement les OPCVM obligataires, qui ont accumulé de grandes positions à la Bourse de Casablanca ces derniers mois pour profiter de l’euphorie ambiante (on en parlait ici). Résultat : une vague de rachats s’est propagée sur le marché actions, entraînant une baisse des cours et accentuant le climat d’incertitude. Ces tensions ont coïncidé avec les craintes liées au mouvement « GenZ212 », qui ont amplifié les ventes et fragilisé la liquidité globale du marché.
Sur le marché des taux, cette réorientation des capitaux vers les OPCI devrait affaiblir la demande sur les bons du Trésor et limiter le potentiel du marché obligataire sur les derniers mois de l’année, un compartiment pourtant bien orienté depuis que Bank Al-Maghrib a entamé son cycle monétaire accommodant.
Pour de nombreux professionnels, le phénomène s’apparente à un effet d’éviction où les flux de liquidités qui alimentaient auparavant les marchés actions et obligataires se dirigent désormais vers des véhicules immobiliers publics, attirés par la signature souveraine implicite et la visibilité des rendements locatifs. Ce déplacement du cash entretient une nervosité de marché.
Cette nervosité pourait être ravivée après l’annonce du président Trump sur Truth Social de droits de douane supplémentaires de 100 % sur les importations chinoises à compter du 1er novembre, « en plus de ce qu’ils paient actuellement ». Les exportations de logiciels américains sensibles seraient également bloquées à partir de cette date, à moins que Pékin ne revienne sur ses nouvelles restrictions à l’exportation de terres rares. La perspective d’une reprise de la guerre commerciale, comme en avril, a entraîné les Bourses mondiales dans le rouge à la clôture vendredi. Lors du précédent épisode de guerre commerciale en avril, la Bourse de Casablanca avait cédé près de 10 % avant de rebondir lorsque Washington et Pékin avaient enterré la hache de guerre. Depuis le début de la correction actuelle, entamée début septembre, le MASI a déjà perdu plus de 12 % entre son plus haut et son plus bas.
L’État a budgétisé près de 35 milliards de dirhams de financements innovants pour 2025. Ces opérations sont comptabilisées comme des recettes, permettant au Trésor de soulager temporairement ses équilibres et de financer des investissements sans recourir directement à l’endettement.
Selon les estimations du Wali de Bank Al-Maghrib, l’État a déjà servi près de 7 milliards de dirhams de loyers cette année au titre des OPCI lancés précédemment. Cette charge devrait toutefois augmenter dès 2026, à mesure que s’accumulent les loyers dus sur les actifs cédés, alors même que le rythme de lancement de nouveaux financements innovants devrait ralentir les prochaines années. « On verra ce que nous réserve la prochaine loi de finances, mais vraisemblablement, dans la programmation triennale 2026-2028, ce montant va devoir diminuer », a-t-il indiqué lors de la conférence de presse du Conseil de septembre. « On aurait dû l’encadrer », a-t-il ajouté, tout en soulignant que ces montages, admis par le FMI et utiles pour faire face à la crise sanitaire, au tremblement de terre et aux années de sécheresse, ont démontré leur utilité.
À fin août, seulement 3,8 Mds seulement ont été mobilisés à travers les OPCI. Il resterait donc un peu plus de 30 Mds de dirhams à lever d'ici la fin de l'année.
A.H