Lundi 17 Novembre 2025

Cinq ans d’IPO : Le retour en force du financement par la Bourse au Maroc

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Entre 2020 et 2025, huit entreprises marocaines ont fait le choix de s’introduire en Bourse. Ce mouvement, amorcé timidement avec Aradei Capital fin 2020 en plein pandémie, a pris de l’ampleur au fil des années avec TGCC, Disty Technologies, Akdital, CFG Bank, CMGP Group, Vicenne et tout récemment Cash Plus et SGTM. En cinq ans, c’est près de 5 milliards de dirhams qui ont été levés sur le marché primaire, un rythme inédit depuis plus d’une décennie.

Il faut dire que cette nouvelle séquence d’IPO marque le retour d’une Bourse qui retrouve progressivement sa fonction première de financement de l’économie. Les introductions ne concernent plus seulement les grands groupes : elles touchent désormais des entreprises de taille intermédiaire, issues de secteurs variés et souvent soutenues par des investisseurs en capital-développement.

Lors de la conférence de présentation de l’IPO de Vicenne, Younes Benjelloun, co-fondateur et directeur général de CFG Bank, a replacé cette dynamique dans une perspective plus large. Pour lui, le regain d’activité sur le marché primaire traduit la montée en puissance d’un «écosystème» où les entreprises grandissent, s’ouvrent au capital-investissement, puis sollicitent la Bourse pour financer la prochaine étape de leur développement.

«Nous étions sur un rythme d’une introduction par an ; je pense que nous passerons bientôt à trois. L’objectif ultime serait d’atteindre une opération par mois», a-t-il indiqué, souhaitant que ce cercle vertueux s’accélère. Selon lui, une cadence plus soutenue permettrait de refléter la diversité de l’économie marocaine, encore peu représentée dans certains secteurs comme l’automobile ou le textile. «Nous avons ouvert de nouveaux compartiments, mais il reste de grandes industries absentes de la cote», a-t-il rappelé.

La période 2010-2019 avait été particulièrement calme : à peine quatre IPO en dix ans, une absence quasi totale d’opérations majeures et une liquidité stagnante. Le redémarrage constaté à partir de 2020 tient autant à la volonté des autorités de relancer la place casablancaise qu’à la maturité d’une nouvelle génération de dirigeants. Ceux-ci perçoivent désormais la cotation non comme une contrainte administrative, mais comme un levier de financement structurant et un vecteur de gouvernance.

Les chiffres sont parlants :

  • Aradei Capital (2020) a ouvert le bal avec une opération de 600 MDH pour renforcer son modèle de foncière diversifiée.

  • TGCC (2021) a levé un montant similaire pour consolider son développement régional dans le BTP.

  • Disty Technologies (2022) est devenue la première entreprise à rejoindre le marché alternatif, démontrant que la Bourse pouvait aussi financer les PME.

  • Akdital (2022), opérateur privé de santé, a marqué une étape importante avec une levée proche de 1,2 Md de DH.

  • CFG Bank (2023) a réintroduit le secteur bancaire dans la dynamique boursière.

  • CMGP Group (2024) et Vicenne (2025) ont confirmé la tendance avec deux IPO très suivies, respectivement dans l’agriculture et la santé.
     

Une participation record du public

Si dont le montant global souscrit des 7 opérations 114,4 milliards de dirhams, les deux dernières introductions, CMGP et Vicenne, ont révélé un phénomène inédit : l’arrivée massive d’investisseurs particuliers. Vicenne a attiré plus de 37.000 souscripteurs, un record absolu pour le marché marocain, tandis que CMGP a dépassé les 33.000. Les taux de couverture ont atteint des niveaux rarement observés -64x pour Vicenne, 37x pour CMGP- soit une demande bien plus supérieure à l’offre proposée.

Ces chiffres traduisent une appétence renouvelée du grand public pour les actifs boursiers, nourrie par la digitalisation de l’accès au marché et par la médiatisation des opérations récentes. Les intermédiaires financiers confirment une forte hausse des ouvertures de comptes-titres depuis fin 2023, particulièrement chez les jeunes actifs urbains. “Les IPO sont redevenues des moments d’éducation financière collective. Elles contribuent à réconcilier les ménages marocains avec l’investissement en actions”, nous explique un directeur de société de bourse.

Une économie réelle mieux représentée

Cette nouvelle vague d’introductions offre une photographie fidèle du tissu productif marocain. Les sociétés issues du BTP, de la santé, de l’agriculture et des services financiers dominent le mouvement, et reflètent également les grands chantiers de la décennie : urbanisation, souveraineté alimentaire et développement du capital humain.

Cette diversification tranche avec les années précédentes, où la cote marocaine restait concentrée sur les banques, l’immobilier et les télécoms. La Bourse de Casablanca attire désormais des entreprises de croissance, en phase avec les transformations économiques du pays.

Au-delà des volumes levés, la structure des opérations a évolué. Les augmentations de capital dominent les simples cessions d’actions, signe que les sociétés cherchent à financer leur expansion plutôt qu’à offrir de la liquidité à leurs actionnaires historiques. La qualité de la préparation (gouvernance, audit, communication financière) s’améliore visiblement, sous l’impulsion de l’AMMC et de la Bourse de Casablanca. En parallèle, l’introduction d’un marché alternatif commence à porter ses fruits : Disty Technologies a ouvert la voie à un modèle de cotation simplifié, mieux adapté aux PME à potentiel.

Un marché étroit mais à fort potentiel

Malgré ces avancées, le marché primaire reste étroit par rapport au potentiel économique du pays. La capitalisation flottante ne représente qu’un très petit pourcentage du PIB, et la liquidité sur certaines nouvelles valeurs retombe rapidement après la période de cotation initiale. Les analystes soulignent également le faible nombre d’acteurs étrangers actifs sur le marché marocain, limitant la profondeur des échanges.

L’enjeu, à moyen terme, sera de transformer l’intérêt ponctuel en participation durable. Cela passe par une offre d’information adaptée aux particuliers, une politique de dividendes cohérente et un renforcement du rôle des sociétés de bourse dans l’accompagnement post-introduction.

Selon plusieurs sources proches du marché, plusieurs d’entreprises étudient actuellement la possibilité d’une cotation à l’horizon 2025–2026, notamment dans les secteurs de l’industrie, des énergies renouvelables et des services technologiques. Si ces projets se concrétisent, la Bourse de Casablanca pourrait retrouver un rythme d’introductions proche de 2 à 3 IPO par an, soit le double du niveau actuel.

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